L’amour la poésie (suite)

Mon amour pour avoir figuré mes désirs

Mis tes lèvres au ciel de tes mots comme un astre

Tes baisers dans la nuit vivante

Et le sillage de tes bras autour de moi

Comme une flamme en signe de conquête

Mes rêves sont au monde

Clairs et perpétuels.

Et quand tu n’es pas là

Je rêve que je dors je rêve que je rêve.

 

Paul Eluard

 

La Marguerite suit doucement le Soleil…

La Marguerite suit doucement le Soleil — Et quand il a fini sa balade vermeille — Se pose timide à son pied — À son réveil — il y découvre alors la fleur — Explique-toi — pourquoi te voici — Maraudeur ? Car c’est, Messire, doux d’aimer ! Nous sommes la Fleur — quand Tu es l’Astre solaire ! Pardonne-nous si, aux heures crépusculaires — Nous venons en catimini ! Énamourés de l’Orient qui se désiste — Du paisible — de l’envolée — de l’Améthyste — Du possible selon la Nuit !

Emily Dickinson

Une autre naissance

Toute mon existence est un verset obscur

Qui se répète et te ramène

À l’aube des éclosions et des croissances perpétuelles

Dans ce verset

Je t’ai soupiré, j’ai soupiré

Dans ce verset

Je t’ai greffé à l’arbre, à l’eau, au feu

 

Forough Farrokhzad

Me voici…

Me voici
Déshabillée de tous mes manteaux
Loin des devins des magiciens et des dieux
Pour rester seule face au silence
Face au silence et à la splendeur de ton visage

Mais tu es l’absent parmi les absents
Ni mon épaule ne me soutient ni ta main ne me touche
Mon cœur descend les escaliers du temps que tu n’habites point
Et la rencontre avec toi
Ce sont des plaines et des plaines de silence

Sombre est la nuit
Sombre et transparente
Ton visage est au-delà du temps opaque
Et je n’habite pas les jardins de ton silence
Car tu es l’absent parmi les absents

Sophia de Mello Breyner Andresen

Une poésie d’amour

Dans la brume un monde s’élance – nomade :

Sur la terre ennuitée errance – des arbres

Le vin d’or en train de monter – aux grappes

De maison en maison tournée – d’étoiles

Les cours d’eau à rebours inclinent – à fuir

Et moi je veux sur ta poitrine – dormir.

Marina Tsvetaieva

Vous ne saurez jamais…

IV. Vous ne saurez jamais…

Vous ne saurez jamais que votre âme voyage
Comme au fond de mon cœur un doux cœur adopté ;
Et que rien, ni le temps, d’autres amours, ni l’âge,
N’empêcheront jamais que vous ayez été.

Que la beauté du monde a pris votre visage,
Vit de votre douceur, luit de votre clarté,
Et que ce lac pensif au fond du paysage
Me redit seulement votre sérénité.

Vous ne saurez jamais que j’emporte votre âme
Comme une lampe d’or qui m’éclaire en marchant ;
Qu’un peu de votre voix a passé dans mon chant.

Doux flambeau, vos rayons, doux brasier, votre flamme,
M’instruisent des sentiers que vous avez suivis,
Et vous vivez un peu puisque je vous survis.

Marguerite Yourcenar

Une poésie japonaise

« Devant ma maison
Les fleurs se sont épanouies
Je les regarde mais
Mon coeur reste triste
Si ma femme bien-aimée
Etait encore là
Nous irions tous deux côte à côte
Comme vont sur l’eau les canards
Je cueillerais les fleurs
Et les lui montrerais.
Mais notre corps fragile
N’étant qu’un provisoire habit d’emprunt,
Tels la rosée et le givre
Il disparaît.
Comme elle s’est cachée
Ainsi que le soleil couchant
En montant le sentier de montagne
Pénible à gravir,
Mon coeur souffre
Quand je pense à elle,
Je ne puis parler
Je ne puis donner un nom à mon chagrin.
Puisque dans ce monde
Rien d’elle ne reste
Je ne sais plus comment faire. »

Otomo no Yakamochi