Je me penche sur eux comme sur un calice,
Ils renferment tant de notes chéries qu’on ne peut les compter.
De notre jeunesse tachée de sang
Ils sont le tendre et noir message.

Jadis, j’ai respiré le même air, au-dessus
Du même gouffre, dans la nuit,
Dans cette nuit vide, cette nuit de fer,
Où vainement tu appelles, où tu cries.

Ô qu’il enivre, le parfum de l’œillet
Dont un jour là-bas j’ai rêvé, –
Et vont et viennent les Euridices,
Et le taureau emporte Europe sur les flots.

Ici, ce sont nos ombres qui survolent
La Néva, la Néva, la Néva,
C’est la Néva qui bat contre les marches,
C’est ton laissez-passer pour l’immortalité.

Ce sont les clefs du logis
Dont aujourd’hui – motus…
C’est la voix d’une lyre mystérieuse
Paissant au-delà du tombeau.

 

Akhmatova Anna