La fille au roi Louis

La fille au Roi Louis

Le Roi Louis est sur son pont
Tenant sa fille en son giron
Elle se voudrait bien marier
Au beau Déon, franc chevalier

Ma fille, n’aimez jamais Déon
Car c’est un chevalier félon;
C’est le plus pauvre chevalier,
Qui n’a pas vaillant six deniers.

-J’aime Déon, je l’aimerai,
J’aime Déon pour sa beauté,
Plus que ma mère et mes parents,
Et vous mon père, qui m’aimez tant.

-Ma fille, il faut changer d’amour,
Ou vous entrerez dans la tour.
-J’aime mieux rester dans la tour,
Mon père que de changer d’amour.

-Avant que changer mes amours,
J’aime mieux mourir dans la tour.
-Eh bien ma fille, vous y mourrez,
De guérison point vous n’aurez.

Le beau Déon, passant par-là,
Un mot de lettre lui jeta;
Il y avait dessus écrit:
« Belle, ne le mettez en oubli »;

Faites-vous morte ensevelir,
Que l’on vous porte à Saint-Denis;
En terre laissez-vous porter,
Point enterrer ne vous lairrai.

La belle n’y a pas manqué,
Dans le moment a trépassé;
Elle s’est laissé ensevelir,
On l’a portée à Saint-Denis.

Le roi va derrière en pleurant,
Les prêtres vont devant chantant:
Quatre-vingts prêtres, trente abbés,
Autant d’évêques couronnés.

Le beau Déon passant par-là:
-Arrêtez, prêtres, halte-là!
C’est m’amie que vous emportez,
Ah! Laissez-moi la regarder!

Il tira son couteau d’or fin
Et décousit le drap de lin:
En l’embrassant, fit un soupir,
La belle lui fit un sourire

-Ah! Voyez quelle trahison
De ma fille et du beau Déon!
Il les faut pourtant marier,
Et qu’il n’en soit jamais parlé.

Sonnez trompettes et violons,
Ma fille aura le beau Déon.
Fillette qu’a envie d’aimer,
Père ne peut l’en empêcher!